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Focus sur le marché italien de la bière

Nous avons évoqué dans un article précédent le fameux Beer & Food Attraction que j’ai eu la chance de découvrir en 2024. Ce fut l’occasion pour moi de discuter et d’avoir une sorte de Polaroïd du marché italien, que je trouve très intéressant. Je vous propose donc de faire un petit tour dans ce magnifique pays qu’est l’Italie et de voir un petit peu comment se porte le marché là-bas.

 

Panorama du marché italien

Tout comme le nôtre, le marché italien a connu une véritable transformation au cours des deux dernières décennies. Le nombre de producteurs est passé de 75 brasseries en 2007 à 718 en 2016, avant de grimper à 1 316 en 2022 : une explosion qui a ramené l’Italie au 6e rang européen en nombre de brasseries.

La pandémie de 2020 a créé un pic de consommation juste après la crise. Des rapports annuels, tels que ceux d’Assobirra, nous montrent un marché qui est entré désormais dans ce que l’on peut qualifier de phase de maturation et de consolidation.

La production de bière s’est établie à près de 17,2 millions d’hectolitres en 2024, soit une légère baisse de 1,27 % par rapport à 2023 (17,4 millions d’hectolitres). Sur la consommation, là aussi, on observe une baisse de 1,54 % avec 21,5 millions d’hectolitres en 2024. Toutefois, la consommation globale reste sur une tendance haussière. On constate aussi que la consommation par habitant a, elle aussi, légèrement baissé (37,1 litres en 2023 contre 36,4 litres en 2024).

Concernant les canaux de distribution, le secteur CHR (Cafés, Hôtels, Restaurants) se tourne plus facilement vers l’artisanal indépendant et parvient à faire ralentir la consommation à domicile. Enfin, on peut citer des tendances similaires à la France avec une croissance spectaculaire de +13,4 % en 2024 pour les bières low-alcohol et sans alcool.

 

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Source : Gemini

 

Gros plan sur le consommateur italien

Les Italiens et la bière, c’est un peu comme chez nous en France : le vin domine et la bière avait jusqu’à présent une image écornée par des décennies d’industriels fainéants qui se sont reposés sur leurs lauriers dorés. Aujourd’hui, les codes ont changé. Les Italiens consomment eux aussi de manière plus aventureuse ; le prix ne les effraie pas dès lors qu’ils vivent une expérience gustative intéressante. On explore la bière sous toutes ses coutures, de son storytelling à son packaging, en passant par son terroir.

Teo Musso l’avait bien compris d’ailleurs. Initiateur d’un mouvement craft révolutionnaire en son temps, son empreinte est restée et le consommateur cherche réellement à consommer un produit complexe et noble, et ce, même si le style de sa bière peut être des plus basiques.

L’un des premiers “trucs” qui sautent aux yeux avec l’Italie, c’est que beaucoup misent sur une bouteille dont le design se rapproche de celles liées au vin. Des formes arrondies, élégantes… Exit les long neck et les canettes ! Bien que très présentes, on voit beaucoup de brasseries qui soignent leur image pour donner un côté “luxe” à leurs produits. J’ai souvenir, il y a dix ans, d’un Italien lors d’un festival qui avait des bouteilles similaires à Baladin et des flyers de 3 pages format A4, en texture veloutée, agrémentés de photos de ses bières mises en scène avec des femmes en robe de soirée. On aurait dit une pub pour un champagne de chez LVMH.

Aujourd’hui, la canette fait son apparition et les Italiens soignent eux aussi son design. Le support, qu’il soit classique ou non, doit afficher un visuel attrayant, et le storytelling est important. Citons enfin les différents événements mettant en valeur la bière avec des outils marketing bien rodés, tels que le Beer & Food Attraction ou encore l’Arrogant Sour Festival.

La bière italienne a bien compris les codes du marketing, là où les brasseries françaises restent un peu plus en retrait ou timides en la matière. Les Italiens jouent sur le terroir, la gastronomie, les ponts avec le milieu viticole, etc. Le style Grape Ale en est le style le plus emblématique, après tout. Les brasseries essaient aussi de parfaire une image locale en travaillant avec des ingrédients locaux et en proposant une valeur authentique allant bien au-delà du style proposé.

 

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Source : Canva

 

La bière Italienne : un retour aux bases ?

L’Italie brassicole a certes repris les styles de la révolution brassicole initiée par les Américains à la fin des années 70, mais elle a malgré tout su y apporter son authenticité à travers des styles revisités.

Citons par exemple l’Italian Grape Ale (IGA), style visionnaire lancé notamment par Baladin avec sa “Perbacco” en 2000. C’est un style qui a su, à travers les années, se démarquer au point d’être officiellement reconnu par le Beer Judge Certification Program (BJCP) en 2015, apportant ainsi une véritable reconnaissance de l’Italie à la culture brassicole mondiale.

Autre style plus classique, mais bien ancré dans la culture de nos voisins transalpins : l’Italian Pilsner. Elle réinvente un classique du genre en lui conférant des arômes plus appuyés, tout en gardant une buvabilité digne des Pilsners allemandes. C’est Birrifico Italiano, avec sa Tipopils, qui en est la bière fondatrice, grâce à un houblonnage à cru généreux permettant d’exalter les arômes et rendant le tout incroyablement plus aromatique.

Les brasseries italiennes sont connues au-delà de leurs frontières : Baladin, Canediguerra, Birrifico Italiano, Croce di Malto, etc. Beaucoup de brasseries se distinguent sur un marché mondial encore très codifié.

Le Beer & Food Attraction est par ailleurs un excellent reflet du marché italien à l’instant T. Lors de ma visite, j’ai pu constater que les styles les plus appréciés chez nous étaient sous-représentés là-bas : Double IPA, NEIPA, R.I.S., etc. Beaucoup de styles “geeks” étaient absents de nombreuses brasseries. Celles-ci se contentaient de styles plus classiques, mais plus aromatiques, avec à chaque fois des codes marketing appuyés, aussi bien sur les contenants que sur les stands eux-mêmes, dont certains ont eu des idées incroyables (big up à ce stand qui avait recréé un étal de poissonnier de A à Z !).

La bière a donc une très grande importance en Italie, mais elle parvient à mieux se démarquer sur le plan gastronomique. C’est une chose encore un peu difficile en France, où l’on trouve encore la bière reléguée en arrière-plan dans de très nombreux restaurants, a contrario du vin. L’Italie a su créer une vraie identité propre sans renier ses influences, là où d’autres se contentent de reproduire des styles sans trop se mouiller sur des audaces marketing, par exemple. Les festivals et salons comme le Beer & Food Attraction ou l’Arrogant Sour Festival voient leurs éditions faire carton plein chaque année, quand d’autres événements en Europe peinent parfois à atteindre leur équilibre.

Nos voisins ont donc su créer une vraie attractivité autour de la bière, et ce, sans se focaliser sur la niche “geek” mais bien sur le consommateur lambda. Ils l’ont fait dans l’esprit de garder leur “art de vivre”, en montrant que la bière pouvait se fondre elle aussi dans le paysage gastronomique.

Évidemment, la scène française est différente : trois fois plus grande, des mentalités différentes, des influences différentes… Le marché national suit les tendances et arrive, lui aussi, à un stade de maturation et de changement. Des styles comme les “Vières” parviennent à tirer leur épingle du jeu et à créer un style propre à notre pays. Mais là où nos voisins sont, de mon point de vue, plus doués, c’est justement sur l’image de marque.

Le marketing des brasseries en France est souvent mis de côté ou sous-exploité. Beaucoup de brasseries vont proposer des pépites incroyables sans parvenir à les faire briller correctement, a contrario des Italiens qui vont parvenir à produire du classique et à le faire briller comme un produit complexe. Ce n’est qu’un constat personnel qui n’a rien de péjoratif, mais qui dénote, en comparant les deux pays, d’une manière de fonctionner différente, sans doute liée à une autre approche culturelle. Sans oublier que des personnes comme Teo Musso ont considérablement assumé leur rôle de leadership du secteur, quand en France le milieu n’avait que peu d’ambassadeurs vers qui se tourner à l’époque.

Cet article me tenait à cœur, car cela fait longtemps que je voulais parler de l’Italie, pays d’où viennent mes racines et où je me rends régulièrement pour voir ma famille. C’est un marché étonnant, amusant et rempli de belles surprises que je prends toujours plaisir à découvrir. Je ne vous cache pas que l’idée, demain, de pouvoir travailler avec des acteurs brassicoles italiens me ferait d’ailleurs très plaisir.

 

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Source : Canva

 

Sources

 

Greg
Marseillais amateur de bières, je vais vous faire découvrir cette boisson à travers son histoire, des dossiers, de l'actu et enfin des tests de bières diverses et variées!

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