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L’histoire de la bouteille (et aussi de ses bouchons!)

Nous avions parlé il y a quelque temps déjà de la canette, un article dans lequel nous avions évoqué son histoire, sa composition et son évolution. Mais quid de la bouteille? Après tout, c’est le récipient le plus “noble” pour beaucoup. Personne ne voit du vin en canette, en tout cas pas en France, pour la bière ça se démocratise, mais la bouteille reste privilégiée comme un contenant un peu luxe de certains styles. 

On voit par exemple des brasseries ne faire quasiment que de la canette, puis mettre de la bouteille (avec de la cire par exemple, ou dans une belle boîte qui lui servira d’écrin) quand on fait une série limitée d’une Imperial Stout vieillie en fut par exemple. 

Bref, la bouteille, c’est le récipient qu’on connaît le plus, qu’il soit en plastique, en aluminium ou en verre, c’est un contenant qui fait partie intégrante de notre quotidien et pourtant, il a bel et bien une histoire derrière cela, et nous allons nous amuser à retracer ceci à travers un petit voyage dans le temps, alors embarquez dans votre Delorean et suivez-moi!

 

Source : Pixabay

 

L’histoire de la bouteille

La maîtrise du verre ne date pas d’hier, il faut remonter à plusieurs millénaires en arrière, au 3ème avant notre ère, pour commencer à voir des traces d’artisanat en Mésopotamie. 

Le verre, pour la faire simple, c’est du sable ou plus précisément de la silice qu’on soumet à une très forte température (1750° environ) pour ensuite la refroidir. Evidemment, le processus est complexifié depuis ses débuts avec des ajouts d’éléments tels que de la soude ou de la chaux par exemple. Le verre est bourré de technologies diverses désormais, et c’est un matériau facilement recyclable qui plus est. 

On trouve, bien sûr, du verre naturellement, notamment lors d’éruptions volcaniques, mais nous allons nous attarder sur le verre du point du vue artisanal. 

Comme nous le disions, le verre est devenu un artisanat vers le 3ème millénaire avant notre ère, toutefois, il était déjà connu et utilisé par les hommes dès le néolithique, soit quelques 7000 ans avant J-C. A cette époque, le verre est récupéré dans la nature, et est utilisé comme outil. Petit à petit, avec le perfectionnement des techniques, et la curiosité de l’homme à vouloir créer, on aboutira aux premières maîtrises du verre, dont les traces ont été découvertes en Mésopotamie comme nous l’évoquions plus haut. 

En 1500 avant J-C ce sont les Egyptiens qui fabriquent parmi les premiers, les récipients en verre, des récipients qui fourmillent ensuite mais dont l’exemplaire le plus ancien se trouve à ce jour dans un musée à Munich. 

 

Source : https://egyptophile.blogspot.com/2016/04/egypte-souffleurs-de-verre-un-metier.html

 

Bien que nous ayons des traces de fabrication de verre remontant à 3000 ans avant notre ère, puis des éléments en Egypte, aucune recette écrite ne sera découverte sur ces périodes. Il faudra la découverte d’une tablette de la bibliothèque du roi assyrien Assurbanipal datant de – 658 avant J.C pour découvrir enfin une recette écrite. Recette, qui, à ce jour, n’a pas vraiment changée d’ailleurs. 

Plusieurs siècles plus tard, vers -100 avant J.C, c’est en Syrie qu’aura lieu la première révolution technique de l’art de la verrerie : l’invention de la fameuse canne et de la technique du soufflage! Cette technique permettra de créer des formes plus complexes pour les contenants, des ornements mais aussi ajuster l’épaisseur de celui-ci, en résumé on se rapproche de plus en plus du verre tel qu’on le connaît de nos jours !

Cette révolution technique fera des émules, les verriers vont de plus en plus maitriser leur art au cours des siècles suivants, ce qui donnera des merveilles architecturales comme dans les églises avec les vitraux de couleur. 

Au Moyen Age le monopole industriel est assuré par la verrerie de Murano, près de Venise, si vous allez là bas, le tourisme est toujours très orienté sur ce domaine, et c’est très joli à visiter d’ailleurs. Ce sont eux qui vont maîtriser la coloration du verre, sa transparence etc… ce qui aboutira peu à peu aux caractéristiques que l’on connaît aujourd’hui sur nos bouteilles sagement rangées dans nos placards ou nos caves. 

 

Source : Photo Karine Chanson / Nécropole d’Evrecy (verrerie mérovingienne)

 

Il faudra en fait attendre 1632 pour enfin découvrir la première bouteille dite moderne, une bouteille qui, vous vous en doutez, a été fabriquée pour du vin et non pas de la bière (qui était en tonneaux surtout à cette époque). Auparavant, bien sûr, il y avait des bouteilles, mais c’était plutôt des formats de contenance de type flacon, fioles, la forme cylindrique était déjà présente mais d’autres formes existent aussi. C’est donc un anglais, Sir Kenelm Digby, qui va élaborer la bouteille que l’on connaît tous. Presque un siècle après, en 1723, la première fabrique de bouteilles françaises voit le jour à Bordeaux, dans la verrerie de Pierre Mitchell. 

La révolution industrielle va apporter encore plus de technicité aux bouteilles, celles-ci vont devenir plus solides et être fabriquées très rapidement en séries. Bien sûr, arrivé au 20ème siècle, on retrouvera des bouteilles en plastiques (1960) puis en aluminium (années 2000). 

La bouteille a, bien entendu, tout un tas de variantes en fonction de sa taille, du liquide contenu etc…  On va avoir des huitièmes( 9.4cl), des magnums (1.5l), des Jeroboam (3l) ou encore des Melchior de 18 litres de contenance. On peut monter jusqu’à 30 litres avec le Melchizédec, mais autant vous dire que passé les Magnum, les formats au dessus se font plus rares et restent de nos jours des oeuvres surtout orientées marketing (une bouteille de 30 litres niveau manutention et service c’est plutôt costaud vous ne trouvez pas?). 

 

Souffleur de verre / Source : Pixabay

 

Mais comment on bouchait les bouteilles avant?

C’est une question simple et bête mais que nous n’avons pas abordé, si on maîtrise l’art du contenant, comment maîtrise-t-on le bouchon? Après tout, une fois que le contenant est stocké dans son récipient, il faut bien un bouchon pour le préserver. 

Et bien étonnamment, le liège fait déjà partie des premiers bouchons! On a découvert par exemple, une amphore étrusque datée du 5ème siècle avant J.C, qui était scellée avec une rondelle de liège recouverte d’un mortier de pouzzolane (une sorte de roche volcanique). Pline l’Ancien, qui avait déjà parlé du houblon dans l’antiquité, aborde le sujet du liège pour fermer les jarres :

« Le liège est un arbre très petit ; le gland en est très mauvais et très peu abondant ; l’écorce seule est de produit ; elle est très épaisse ; enlevée, elle revient ; on en a vu même des planches de dix pieds. On l’emploie surtout pour les câbles des ancres des navires, pour les filets des pêcheurs, et pour fermer les vases ; en outre, elle entre dans la chaussure d’hiver des femme ». 

Bien sûr, d’autres bouchons furent utilisés, certains en céramiques par exemple, mais le liège était le plus utilisé jusqu’à son remplacement par une cheville de bois recouverte de tissu, de paille ou encore de cuir recouvert de cire. On a même vu des bouchons en verre qu’il fallait briser pour ouvrir! (Ce qui me semble assez périlleux..)

On ignore pourquoi le liège a été abandonné durant si longtemps, mais il est subitement revenu au cours du 17ème siècle pour sceller les bouteilles de potions médicamenteuses chez les apothicaires avant d’être utilisées pour les boissons alcoolisés, le champagne notamment en 1665 qui en fera son plus fidèle allié. 

 

Amphore scellée d’un bouchon de liège recouvert de pouzzolane (Source : Photo de Bassemayousse, Frédéric – © Ministère de la culture, DRASSM – site : http://www.culture.gouv.fr/collections_locales)

 

Le liège est un bouchon idéal pour de nombreux liquides mais c’est pour le vin qu’il est majoritairement utilisé avec près de 80% de la production mondiale uniquement dédiée à celui-ci. Le Portugal est d’ailleurs le premier producteur mondial suivi de près par l’Espagne, l’Algérie et le Maroc. Si vous allez d’ailleurs à Lisbonne, vous pourrez ramener beaucoup de souvenirs en liège justement. 

Le liège a des propriétés idéales : il est étanche, souple et poreux ce qui permet au liquide de bien se préserver. Le bouchon de vin est parfois en plastique, mais il reste en majorité composé de liège. Le bouchon de champagne est légèrement différent de par sa forme et sa solidité, d’ailleurs les produits gazeux ne sont pas bouchés de la même manière que le vin. 

Pour l’anecdote, le tire bouchon sera inventé en 1795 par un anglais du nom de Samuel Henshall, mais de nos jours des centaines de brevets ont été déposés, et on trouve à boire et à manger en terme d’ouvre bouteilles, du meilleur au pire parfois. 

 

Source : Pixabay

 

Et la capsule?

Dans la bière, outre les gueuze et certaines bières à levures sauvages par exemple, la capsule est devenue indispensable. Comme je le disais, les boissons fermentées telles que les bières ont besoin d’une véritable étanchéité, or, la bière est fragile sur cela et un bouchon de liège, selon son style, peut créer des soucis d’infection (n’oublions pas que la bière artisanale refermente en bouteille). 

La capsule c’est quelque chose de récent. Inventée en 1892 par William Painter, qui est l’homme derrière le premier fabricant mondial d’emballages métalliques à ce jour : Crown Cork and Seal. Légères, faciles à poser sur sa production, faciles à ouvrir pour sa consommation, personnalisables, ce petit objet a tôt fait de susciter l’intérêt des industriels qui ont vu en lui un atout pour leur produit. 

 

Source : Pixabay

 

Il faut dire qu’une bouteille de bière, de soda ou autre, c’est du rapide à boire sur le principe. On ouvre et on boit , de fait l’ouverture avec tire-bouchon et compagnie devient vite hasardeuse en termes de temps, et le consommateur ne veut pas perdre son temps à boire quelques centilitres pour se rafraîchir ou prendre un apéro. Le vin étant un produit de table, le débouchonnage avec un outil tel qu’un tire-bouchon devient normal, voire traditionnel et rituel pour certains. 

Les capsules dans la bière sont donc devenues indispensables, fabriquées en fer-blanc ou en inox, elles coutent peu, sont très efficaces, et surtout, vous pouvez la personnaliser! Cette personnalisation fait le bonheur des tégestophiles grands amateurs de capsules colorées et variées d’ailleurs! 

Il existe même une population d’Afrique de l’Est, en Ethiopie, qui utilise les capsules comme un ornement, les Dassanetchs! 

 

Source : Wikipedia

 

Quel avenir pour la bière en bouteille?

La bouteille a encore de beaux jours devant elle, utilisée dans tout un tas de domaines, la bouteille en verre reste un élément qui fait preuve d’un certain engouement en termes de qualité. 

On va trouver plus luxueux une bouteille de coca en verre qu’une canette, de même qu’un vin en canette sera considéré comme un instrument du démon, déjà que le cubi est à peine toléré! 

La belle bouteille en verre c’est quelque chose qui donne une belle image, c’est un bel écrin au produit contenu à l’intérieur. Il faut dire que la bière en bouteille a une meilleure gueule qu’en canette pour beaucoup de gens. La canette est assimilée aux boissons des SDF, aux “beaufs” devant la télévision avec un survet sentant la chips et la bière, bref… la canette est trop cliché tandis que la bouteille donne un côté “luxe”. 

Pourtant, une bouteille en verre de Heineken n’a rien de luxueux, mais en artisanat, les bouteilles marrons, encapsulées ou avec un bouchon en liège font justement plus artisanal, plus authentique, moins industriel et en France on a encore du mal à se dépatouiller de cette mauvaise image qu’a la canette. 

Pourtant, la canette se démocratise, on parvient à la rendre plus “sexy” avec des textures agréables, des illustrations la recouvrant quasi entièrement, en bref, la canette redore son image et les soucis qu’elle a eu avec des éléments toxiques sont pour le moment résolus. 

Alors est-ce que la bouteille de bière a encore de beaux jours devant elle? Je vous dirais que petit à petit elle va partager le trône avec la canette, plus facile à transporter, à recycler (enlever le vert ou le marron est très dur), moins coûteuse aussi, et plus solide et conservatrice que la bouteille, la canette coche toutes les cases pour assurer la pérennité et la stabilité d’une production brassicole. 

Du coup, on a désormais un nouveau type de modèle économique avec ces emballages. Les brasseries commencent à la bouteille, puis, petit à petit, passent une partie de leur gamme en canette dès qu’elles en ont les moyens. Enfin, une fois que la majorité des bouteilles sont devenues des canettes, seules quelques références plus luxueuses restent en bouteille. En général tout ce qui est vieilli en fût, à fermentation sauvage, ou des bières brunes type Stout ou impérial stout sont toujours majoritairement en bouteilles avec une cire sur la capsule par exemple ou un écrin tel qu’une belle boite en carton illustrée ou une petite caisse en bois avec un bouchon de liège aussi parfois. 

Du coup, la bouteille, dans la bière, sert beaucoup à afficher le côté rare d’un produit, ou sa complexité, et la canette, elle, sert pour les styles plus classiques et plus fragiles (IPA, DDH, Sour etc…). Cependant, la bouteille reste toujours dominante dans le milieu brassicole à l’heure actuelle, mais pour combien de temps encore?

 

Une verrerie / Source : Pixabay

 

En conclusion

La bouteille a une belle histoire au final, ses bouchons aussi, l’histoire d’un objet c’est toujours amusant à raconter car ils sont là depuis toujours mais on ne les connaît pas. Pour ce qui est de la bouteille de bière, je pense sincèrement qu’elle va petit à petit s’équilibrer avec la canette, et beaucoup de brasseries qui souhaitent un tant soit peu s’exporter ou tout du moins se diffuser au delà de leurs alentours proches, vont passer sur un format canette et laisser la bouteille uniquement pour les gammes un peu plus complexes et qui se conservent tels que les Imperial Stout. 

On voit cela de plus en plus, en Pologne par exemple, les bières sont en canettes, mais les Imperial Stout sont en bouteilles, sertie d’un bouchon de cire sur la capsule et le tout emballé dans un joli carton illustré dans les moindres recoins. 

En revanche, la France, terre viticole, restera je pense toujours affectée à la bouteille, ne trouvant à la canette un côté utile plutôt qu’esthétique, alors qu’aux USA, la canette est devenue le contenant le plus répandu. Les italiens ne sont pas en reste, ils sont attachés à ce contenant et font peu de canettes, ils ont d’ailleurs des formes de bouteilles très différentes des classiques “long neck” que l’on trouve partout. L’Italie tient à son écrin de verre et elle ne s’en cache pas. 

Au final, la bière en bouteille restera encore là un moment, mais sur le marché global du craft, je dirais qu’on devrait trouver à terme autant de canettes que de bouteilles. Le choix du contenant sera différent selon le pays, le business model ou encore le style de la bière, prédire un engouement ou pas pour un tel produit est finalement assez compliqué, mais on ne peut que constater que la canette de bière n’est plus vue comme un contenant “sale” mais comme un bel objet, et ce, grâce au travail des illustrateurs qui recouvrent le cylindre en aluminium de leurs plus belles oeuvres.

Moralité : la bouteille c’est un beau produit, mais elle reste une mamie que l’on respecte et qui peu à peu laisse un peu de place à la jeunesse représentée par la canette… 

 

Exemple de bouteille dans un joli écrin (Baladin / Source : Mon Instagram)

Sources

https://www.vetropack.com/fr/le-verre/histoire-du-verre/ 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouchon_de_bouteille#:~:text=Le%20bouchon%20de%20li%C3%A8ge%20est,par%20Samuel%20Henshall%20en%201795

https://www.youtube.com/watch?v=-tSeBu-r8lw 

https://blog.vignartea.fr/bouchon-liege/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tire-bouchon 

https://egyptophile.blogspot.com/2016/04/egypte-souffleurs-de-verre-un-metier.html 

Greg
Marseillais amateur de bières, je vais vous faire découvrir cette boisson à travers son histoire, des dossiers, de l'actu et enfin des tests de bières diverses et variées!

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