Actualités Dossiers

Quand le marketing essaye de séduire les femmes

Qui n’a pas vu quelqu’un ramener ou proposer une belle Kriek bien sucrée à une femme? Un Monaco, un demi pêche ou tout ce qui est doux et sucré à une demoiselle en détresse qui ne boit que des trucs sucrés et colorés parce que c’est girly et mignon?

Evidemment qu’on l’a tous vu voire même fait à une époque de nos vies quand on était pas éveillé à tous les courants actuels qui émancipent, à juste titre, la parole féminine. 

Pourtant, quand on compare l’artisanal à l’industriel, on constate une chose, les femmes ont deux positions différentes dans la stratégie marketing de chacun, l’une étant plus proche des attentes du public concerné que l’autre

 

Leger rappel historique

Avant tout on va remonter rapidement sur le contexte historique pour un petit rappel des faits. 

Non la femme préhistorique n’était pas celle que l’homme tirait par les cheveux entre deux chasses aux chevreuils, pas du tout, elle était même très active mais les scientifiques, tous masculins, qui ont émis les premières théories sur nos ancêtres l’ont fait avec leur vision très patriarcale. 

Pourtant, nos industriels de la bière l’ont pourtant bien fait oublier, la bière était faite par des femmes, depuis très longtemps et nous en avons maintes fois parlé, et nous en reparlerons à travers des articles historiques plus détaillés et moins généralistes (inhérents à un événement ou une époque par exemple). 

Durant bien des années, c’était bel et bien les femmes qui tenaient le fourquet, au point où la représentation moderne de la sorcière est inspirée de caricature de soi disant sorcières qui n’étaient qu’en fait de pauvres victimes d’une bande d’imbéciles cul-bénis puritains qui voyaient des hérétiques au moindre fait et geste. Les événements de Salem ont entre autre eu lieu au moment où l’industrie débutait tout juste sa révolution et où les hommes ont pu s’emparer du marché juteux qu’est la bière produite à grande échelle. Exit donc les petites brasseuses qui vendaient à domicile ou devant chez elles, place aux grosses structures qui font du gros volume gérées par les hommes. 

Très vite, on se dirige vers la ménagère des années 50 qui n’achète de la bière que pour son mari, fier travailleur et viril qui ramène l’oseille au bercail pour nourrir sa petite famille. Sa petite femme l’accueillant en lui donnant sa bonne vieille Bud, ses charentaises et son journal pendant qu’elle lui mijote un bon petit plat. 

La femme, pour les industriels, qui ont pris le dessus sur l’artisanal, n’est que celle qui achète, mais le consommateur final reste bel et bien le mari, donc on va axer les campagnes marketing sur le côté bienveillant voire culpabilisant de son rôle dans la société, à savoir celle qui est soumise à son mari, qui travaille dur pour lui offrir de jolies robes et de jolis ustensiles de cuisine ou pour le ménage. 

Ce que nos industriels ont mal anticipé, c’est que la femme peu à peu se libère, s’émancipe, dès la fin des années 50, puis les décennies qui suivirent, que ce soit sur leur rôle au sein du foyer, leur éducation, leur place au sein de la scène politique, leur façon de s’habiller ou leur sexualité, il n’y a plus de limites à l’émancipation si ce n’est les coups de freins (et coups bas) du système patriarcal en vigueur mais les choses avancent peu à peu et les grosses industries peinent à réagir rapidement, ancrée sur des valeurs anciennes. 

Les industriels découvrent que les femmes existent

En général, les géants, plus c’est gros, plus c’est pataud et donc ca bouge lentement, souvent pris de court par des plus petits concurrents qui comprennent vite un marché, une cible ou une problématique mais qui se font ensuite racheté par le gros groupe à qui ils piquent quelques miettes du gâteau. 

Ici, nos amis industriels n’ont pas vu les choses venir, notamment au début des années 80 quand la révolution brassicole a débuté aux USA. La bière, toujours ancrée sur son image masculine, virile et bon marché n’a pas évoluée. Pourtant, les femmes boivent de la bière, pas que des cocktails à la Sex and the City bien au contraire, elles sont bien là et consomment et ca, les brasseries crafts l’ont quasiment toutes compris. 

Du coup, l’artisanal, qui n’a pas les moyens des géants, ne se contente que de présenter son produit en visant un consommateur, quelque soit son genre car dès lors qu’il dispose de papilles gustatives, alors c’est potentiellement une personne qui va vous donner son argent. 

On verra donc très vite les femmes se diriger sur du craft plutôt que de l’industriel, et pas forcément sur du sucré, mais sur des goûts plus prononcés, plus amers même, et d’un coup, les industriels font un “mind blown”. 

Durant des années, et plus encore, ils ont focalisé leur attention sur les hommes, laissant la femme comme simple cible qui doit faire plaisir à l’homme des tavernes, consommateur de bière. Jamais ils n’ont envisagé de produire POUR les femmes, et voyant, tardivement, que la femme s’émancipe aussi dans la bière, ils décident de réunir leurs supers équipes marketing et tenter une opération de séduction à grande échelle. 

Source : Pixabay

L’échec des industriels face à l’émancipation des femmes

On ne va pas se mentir, je vais vous spoiler le paragraphe, c’est un échec relativement assumé aujourd’hui, mais à l’époque nos amis de l’industrie ont pensé différemment.

Une femme ca aime le rose, les paillettes, alors pourquoi lui proposer quelque chose de fade et amère? Pourquoi pas lui proposer des couleurs et du sucre? Et c’est là qu’on se retrouve avec des bières sucrées, descendantes des Kriek Belges qui pourtant ne visaient pas un genre en particulier historiquement. Le genre est dénaturé de son propre public de base, on considère la Kriek comme une bière de femme par exemple.

Bien entendu, la sauce prends rapidement au niveau mondial, la bière coule à flot mais pas encore de manière artisanale, de fait, seules les bières industrielles sont disponibles à la vente pour ces dames. S’en suivra des campagnes marketing axées sur le girl power, le copinage entre fille à la Sex and the City (oui encore), les femmes sortent seules, boivent, couchent, bref elles sont indépendantes et boivent de la bière sucrée et colorée parce que faut pas déconner, ce sont des femmes! Allez voir cet article sur la Leffe Ruby qui est fascinant : https://commerce.life/leffe-ruby 

Le souci là dedans, c’est qu’en même temps que la révolution brassicole artisanale fait de timides premiers pas en dehors des USA, la parole des femmes se fait de plus en plus entendre, et quand la révolution s’installe en Europe et partout ailleurs, les femmes découvrent la bière artisanale et oublient très vite la bière aromatisée au profit de grosses IPA, de belles Imperial Stout et j’en passe. 

Pendant que les géants continuent de matraquer le public féminin avec des pubs ringardes, les petits, eux, proposent simplement aux femmes de goûter leurs bières, en tout simplicité, sans genrer quoique ce soit et ca marche! 

Très vite on voit que l’artisanal a pris un temps d’avance, les géants du secteur se rendent compte que non seulement le craft les ont rendu ringards, mais aussi sexistes et toujours sur une image de beaufitude exacerbée du cliché classique de la bibine bue en hurlant sur un match de foot avec son marcel taché de sauce tomate de la pizza de Marcello. 

Les industriels prendront finalement le virage pour recopier le petit voisin artisanal, mais ce sera trop tard, non seulement il aura loupé le coche de l’artisanal et son incroyable révolution, mais il aura perdu le public féminin, plus raffiné et intelligent qu’il ne le pensait.

Ci-dessus : Budweiser qui a remis au gout du jour ses anciennes pubs jugées sexistes aujourd’hui

Quelle est la bonne méthode pour toucher le public féminin? 

Il n’existe pas de méthode en vérité, mais du bon sens! Le bon sens qui est le même que pour le consentement, que pour le fait que siffler une femme ne sert à rien, que croire que non est égal à oui n’a aucun sens et j’en passe, on va pas refaire le monde sur cela, ce n’est pas mon rôle et les femmes le font bien mieux que moi car elles sont les premières concernées. 

Ici, en parlant de bière, la vraie bonne méthode c’est : on s’en fout de ton genre, boit cette bière et dis nous si tu aimes. 

Ce qu’il faut par contre éviter, c’est le sexisme. On en a déjà parlé, les Levrette, les belles blondasses, les goulues, les sal’hop, les tits, les pipes, et j’en passe et des meilleures avec en général, aux manettes, une bande d’abrutis qui jouent la carte de l’humour, pour un jeu de mot stupide qui au final dessert la bière et la femme dans son ensemble. On a déjà parler de cela aussi, inutile de raviver la flamme, heureusement que ces bières à façon bien souvent, n’existent que très rarement, car tout le monde a compris que le public à viser n’est pas celui qui a tel ou tel sexe, c’est celui qui est capable de déguster, donc, on ne genre rien et le monde est assez rempli de références pour ne pas en faire une systématiquement sur le sexe, ou autre contenu graveleux digne des sales blagues de l’écho. 

Source Slate.com Via thebrewworks.com, clownshoesbeer.com, eyeonannapolis.net, artmeetslabel.com, marinamarket.com, and ratebeer.com

La place de la femme dans la bière aujourd’hui

Fort heureusement, les femmes sont partout, le pourcentage de femme qui boit de la bière augmente chaque année. Des autrices publient chaque année (Melissa Cole, Elisabeth Pierre, Christina Wade etc….), on voit de nouveaux livres, des podcasts, mais aussi des blogs (Hoppy Hours, Comment brasser sa bière) et enfin les brasseuses, de plus en plus présentes. 

Le mouvement Pink Boots représente bien ce mouvement, mais au delà de cela, l’univers brassicole se mixe peu à peu, bien que la parité ne soit pas encore présente, que l’univers brassicole reste encore très masculin et blanc (mais on y reviendra plus tard sur ce point), force est de constater que nous commençons enfin à voir que cette boisson n’a pas besoin de codes, de genre, mais juste des humains qui apprécient un bon moment simplement. 

Il suffit de fréquenter un bar craft pour voir que la population est mixte, dans le bar à Marseille que je possède avec mes amis, nous avons des cours de brassage faits avec autant de femmes que d’hommes, les clients c’est pareil, on voit justement que la boisson change, la consommation aussi. 

D’ailleurs, vous verrez souvent plus d’hommes boire une bière douce que de femmes, alors que pourtant, les campagnes marketing étaient plutôt axées sur la tendance opposée, ce qui reste drôle au final. 

En conclusion

Cet article est là surtout pour une chose, outre mettre une piqûre de rappel au fait, encore une fois, que la bière n’est pas genrée, elle mets aussi en exergue le fait que le marketing de la bière, face au public féminin est un échec à mes yeux. Non pas pour le milieu artisanal mais l’industrie. On se rend compte que le public féminin, s’est assez vite senti délaissé, ou plutôt maltraité par les campagnes marketing de l’industrie de la bière, ne se retrouvant pas du tout dans l’image donnée, et le produit lui même. Les brasseurs artisanaux ont finalement emboîté le pas sans difficulté, sans doute même sans faire exprès sans doute par l’innocence des petites structures ayant peu ou pas de moyens de matraquer les clients avec de la pub. 

Même si aujourd’hui les industriels rattrapent un peu leur retard à coup de divers axes stratégiques, leur échec aura permis au public féminin de prendre part à la révolution brassicole au point où désormais, le type qui clame que la bière est une boisson d’homme se fera expulser du bar par des hommes et des femmes à l’unisson, et oui les temps changent!  

Une compil’ de pubs Heineken : le public visé est clairement masculin

Sources :

 

Greg
Marseillais amateur de bières, je vais vous faire découvrir cette boisson à travers son histoire, des dossiers, de l'actu et enfin des tests de bières diverses et variées!

4 Replies to “Quand le marketing essaye de séduire les femmes

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.