Aujourd’hui, j’ai eu envie de changer un peu des sempiternels articles sur l’actualité, les interviews ou les dégustations. Non, aujourd’hui, je veux vous parler de petites créatures mignonnes, poilues et à moustaches.
Non, je ne parle pas de Benoît de « Bière et Moustache », même si je peux comprendre la confusion. Nous allons plutôt parler de nos amis félins : les chats !
Vous vous demandez sans doute pourquoi aborder le sujet de ces animaux alors qu’ici, on parle de bière. Certes. Mais j’ai moi-même quatre chats (j’en ai même eu cinq, je pense à toi, ma petite Ethno), et en cherchant un peu, j’ai découvert que la présence de chats dans les brasseries est non seulement plus courante qu’on ne le pense, mais qu’elle s’inscrit dans une véritable histoire.
Le chat est une mascotte chez certaines brasseries, un membre discret de l’équipe. Il vous surveille parfois du coin de l’œil, caché entre deux sacs de malt, tandis que vous vous dirigez vers le bar pour goûter la dernière nouveauté de votre brasserie favorite. Véritable inspecteur des travaux finis, le petit félin supervise le travail de ses collègues tout en s’étirant paresseusement sur le béton ciré, baigné par quelques rayons de soleil.
Vous allez me trouver un peu trop littéraire, mais si vous allez à Brooklyn, chez Grimm Artisanal Ales, vous pourriez bien rencontrer Simcoe, la superviseure féline en chef ! Cette minette smoking avec une dent de travers n’est pas une chatte errante venue squatter la brasserie, que nenni ! Elle est bel et bien là pour remplir un rôle essentiel : lutter contre les rongeurs. Ce phénomène a désormais un nom et un site : Cats on Tap !
Cette initiative, créée par Caroline et Nick Campion, est une carte interactive qui recense tous les « chalariés » des brasseries, mais aussi ceux des bars sur une autre carte. Actuellement, le site est inaccessible, mais la carte, elle, est toujours visible.
La question que l’on se pose est donc la suivante : comment ces petits animaux de compagnie ont-ils pu devenir des icônes de brasseries, bien au-delà de leur simple rôle de chasseur de rongeurs, aujourd’hui remplacé par divers pesticides et autres pièges cruels ? La réponse se situe entre le folklore et le marketing. Le chat renoue avec une tradition ancienne, celle de membre important de l’équipe, mais il devient aussi une mascotte, une icône facile à utiliser à des fins marketing, que ce soit pour une étiquette, des Reels ou de simples photos.
Les chats recensés sur ces cartes, mais aussi ceux qui ne le sont pas, ne sont pas là sur les conseils d’une boîte de consulting. Ils sont là parce qu’ils représentent une volonté des brasseurs d’avoir un petit animal de compagnie avec eux. L’histoire de Cats on Tap est née d’un simple photobomb de Rosie, le chat de Nick et Caroline, sur une photo Untappd. L’idée leur est venue subitement et un effet boule de neige s’est produit : les gens ont commencé, eux aussi, à partager des photos de leurs chats avec leurs bières (je l’ai fait moi-même !).
Au final, ils ont créé ces fameuses cartes interactives, car la passion pour ces petites boules de poils moustachues est puissante, surtout quand on sait que les chats dominent Internet depuis toujours. Alors, simple mode ou véritable lien historique ?

Le chat de brasserie : un employé à part entière (un chalarié, quoi)
La présence de chats au sein de lieux de fermentation ou de distillation n’est pas nouvelle. C’est même, à l’origine, une tradition, pour la raison évidente qu’est la menace des rongeurs sur les matières premières.
Ces lieux stockent d’énormes quantités de céréales, un véritable buffet à volonté pour les rongeurs. Un sac de malt éventré par une souris représente une perte sèche pour une brasserie ou une distillerie. À l’époque, la solution la plus évidente était le chat, ce prédateur ultime pour qui les brasseries sont devenues un formidable terrain de jeu. Avant d’être un animal de compagnie, le chat était un membre de l’équipe qui jouait un rôle crucial : gardien du grain !
Prenons le cas de la distillerie Jameson, que beaucoup d’entre vous doivent connaître. Fondée en 1780, la distillerie avait des chats si bien intégrés qu’ils auraient été inscrits dans les registres comptables, avec une petite caisse dédiée à l’achat de lait et autres friandises. (Certes, le lait n’est pas bon pour eux, mais on ne le savait pas forcément à l’époque). Aujourd’hui encore, si vous vous rendez à la distillerie de Dublin, vous pourrez voir « Smitty », un ancien chat dont le corps empaillé est toujours exposé dans les locaux.

En Écosse, de l’autre côté de la mer d’Irlande, la distillerie Glenturret abritait une vraie star féline : « Towser the Mouser », une chatte détentrice du record du monde du plus grand nombre de souris attrapées au cours de sa vie. Une véritable tueuse en série, dont la statue a été érigée au sein même de la distillerie pour souligner le rôle vital de son travail durant toutes ces années.

Que ce soit en distillerie ou en brasserie, le chat a donc une réelle importance historique. Si les grosses structures industrielles n’ont plus besoin de nos amis à quatre pattes, ce n’est pas le cas des plus petites qui, contrairement à leurs homologues impersonnelles, font toujours appel à nos amis à moustaches. Il faut y voir une manière de renouer avec une ère pré-industrielle, de revendiquer une authenticité et de prouver sa taille humaine. Aujourd’hui, bien que les techniques modernes permettent largement de se passer de chats, beaucoup continuent d’adopter une mascotte féline. Un clin d’œil historique qui n’est pas toujours dénué de sens marketing.

Le retour des chats en brasserie : nostalgie ou stratégie marketing ?
Comme nous le disions, les brasseries et distilleries artisanales (« craft ») renouent avec la tradition du chat. C’est un acte souvent motivé par son côté traditionnel, mais aussi par des avantages éthiques et écologiques qui vont bien au-delà du pur marketing.
À Chicago, la brasserie Empirical payait chaque mois une société de dératisation, avec des résultats très décevants. Jim Ruffato, le directeur des opérations, confiait que les rongeurs parvenaient toujours à s’introduire malgré les pièges. Il a donc décidé de tenter la solution naturelle : le chat. Et ce fut un succès.
Les chats sont efficaces grâce à un mécanisme à double action. D’abord, ce sont d’excellents chasseurs (sauf mon chat Futé), redoutablement efficaces pour tuer les rongeurs. Mais le deuxième effet vient de leur simple présence passive : leur odeur agit comme un puissant moyen de dissuasion. Les rongeurs, détectant un prédateur, ne se risqueront pas à finir croqués pour quelques malheureux grains. La brasserie Torch & Crown, qui utilise aussi cette méthode, témoigne de l’efficacité redoutable de la simple présence du petit félin.
Sheila Massey, fondatrice de Hard Hat Cats à New York, décrit la situation comme un phénomène « triple win ». La brasserie est gagnante, car elle bénéficie d’un contrôle efficace des nuisibles. Le chat, souvent jugé « inadoptable », échappe à l’euthanasie ou à une vie de misère et trouve un foyer sûr. Enfin, les employés profitent d’une petite mascotte qui améliore le moral des troupes. Car, ne nous mentons pas, un chat, c’est vraiment génial.

À Chicago, sur le modèle de Hard Hat Cats, la fondation Tree House Humane Society gère un programme appelé « Cats at Work ». Cette fondation prend en charge des chats sauvages stérilisés et vaccinés pour les réinstaller dans des territoires plus sécurisés. Ces chats, souvent peu enclins à être adoptés par des particuliers, font de parfaits compagnons pour des structures brassicoles. C’est d’ailleurs par ce biais qu’Empirical Brewery a accueilli ses quatre chats : Venkman, Ray, Egon et Gozer.
Ces chats, souvent peu enclins à être adoptés par des particuliers, font de parfaits compagnons pour des structures brassicoles. C’est d’ailleurs par ce biais qu’Empirical Brewery a accueilli ses quatre chats : Venkman, Ray, Egon et Gozer.
Ces fondations résolvent ainsi un double problème : les refuges surchargés et les soucis de nuisibles dans les brasseries. Une brasserie qui adopte un chat ajoute une corde à l’arc de son storytelling : une histoire de compassion et de durabilité face à des concurrents industriels totalement aseptisés. Et c’est là que l’on voit que le chat, même avec une réelle utilité, devient aussi une véritable mascotte.

Du contrôle des nuisibles à l’ambassadeur de marque
Si le chat de brasserie est un membre de l’équipe dont le travail est salué, il est aussi un puissant atout marketing qui montre le côté « humain » de la structure. Souvent, le chat devient bien plus qu’un simple dératiseur ; il se transforme en mascotte, comme l’est Simcoe chez Grimm Artisanal Ales. Il faut dire que les chats dominent la toile, et en avoir un représente une source inépuisable de contenu engageant. Citons par exemple Gasket de la Bronx Brewery, qui a son propre compte Instagram (@gasketthebrewerycat), ou les comptes plus généralistes comme @catsontap et @thebrewerycats, qui comptent des milliers d’abonnés.

Le chat devient donc un outil narratif aux ressources marketing abordables et amusantes. Par sa nature imprévisible, oscillant entre mignonnerie et grain de folie, il permet de créer à tout moment du contenu drôle et adorable. Chaque action – un câlin, une sieste, une course-poursuite – devient, en photo ou en vidéo, un contenu authentique qui ajoute une touche de personnalité à la marque.
Il n’est pas rare que des brasseries intègrent l’influence de leur petit employé félin à leur identité. Empirical Brewery a lancé une bière nommée Nine Lives mettant en vedette ses chats, et dont les ventes ont bénéficié au refuge qui les leur avait confiés. Torch & Crown a aussi créé une bière à l’image de son chat borgne, Elizabeth, tout comme Grimm Artisanal Ales a fait de Simcoe un véritable produit dérivé.

En France, les chats sont bien là, mais ils sont moins utilisés à des fins marketing. Une raison simple est que le pays souffre encore de lacunes dans ce domaine : les brasseries savent produire, mais pas toujours vendre ou assurer une communication efficace. Mais pour avoir visité de nombreuses brasseries, je peux vous assurer qu’il y en a. Que ce soit Gekko dans le Var, la Brasserie La Barbaude et sa douzaine de félins, Gallia qui a eu son chat, Longue Vie et sa bière « Minouche », ou encore Sulauze… Rien qu’autour de moi en Provence, je peux vous citer plusieurs félins discrets mais bien présents.

Créer un lien humain-félin
Au-delà de leur utilité et de leur valeur marketing, les chats apportent une contribution plus importante et plus intangible : le lien émotionnel qu’ils tissent avec les humains.
Aux États-Unis, la brasserie Fonta Flora a découvert un petit chaton terrifié au milieu d’une route, le jour de la fête d’anniversaire de l’établissement. Recueilli par l’équipe, le petit minou n’arrêtait pas de « pétrir » sur les genoux des gens ; il fut ainsi nommé Billy Biscuits. Son rôle n’était pas de chasser, il était simplement un membre à part entière de la ferme-brasserie qui l’a sauvé. L’équipe a eu le cœur brisé lorsque leur petite mascotte a été renversée par une voiture sur cette même route. Depuis, la brasserie a accueilli d’autres boules de poils, dont certaines ont également disparu. Les publications Instagram témoignent d’une véritable émotion face à la perte de ces animaux, devenus des membres de la famille.
Les chats de brasserie deviennent au final des êtres hybrides, entre collègues de travail et animaux de compagnie. Ils accompagnent le personnel au quotidien et ajoutent un peu de joie à leurs journées. On observe ce phénomène dans d’autres secteurs : des comptes Instagram de chats de librairies, de restaurants, de commissariats, d’EHPAD… Récemment, un chat a même été accueilli au centre des affaires familiales d’une ville en France pour rassurer les enfants lors d’interrogatoires difficiles.
Finalement, partis de simples « outils », les chats ont su rapidement conquérir le cœur de leurs propriétaires et améliorer la qualité de vie des humains qui les entourent.

Attention à la bureaucratie !
Même si tout le monde s’accorde à dire que la présence de ces animaux est une bonne chose, il faut veiller à ce qu’elle n’entre pas en contradiction avec les règles sanitaires. Aux yeux de la loi (notamment aux États-Unis), le chat n’est pas une méthode de contrôle antiparasitaire approuvée. Il peut être une source de contamination physique et biologique. Il perd ses poils, peut être porteur de germes et grimper partout. Bref, la vigilance est de mise. Après tout, voir des chats déambuler près des cuisines d’un restaurant pourrait vous faire douter de la propreté des lieux. C’est un peu la même chose pour les brasseries.
Cependant, les brasseries ne se démontent pas. Pour elles, ce risque est calculé. Elles font extrêmement attention à ce que les chats restent confinés aux zones d’entrepôt, près des stocks de grains ou dans les bureaux, mais jamais dans les zones de production nécessitant une hygiène irréprochable. En général, les chats sont tolérés lors des contrôles, placés dans une sorte de « zone grise » réglementaire, dès lors que les conditions d’hygiène sont respectées.

En conclusion
Vous allez me dire que cet article est un prétexte, simplement parce que j’aime les chats. Eh bien, oui ! Mais je voulais aussi souligner cet aspect historique. Après tout, les chats noirs des sorcières font penser aux matous des Ale Wives (les femmes brasseuses du Moyen Âge). Nos amis félins rôdaient sans doute déjà autour des stocks de grains des Égyptiennes quand elles brassaient. Si les industriels ont aseptisé les pratiques, il est logique de revenir à ce petit prédateur comme anti-nuisible naturel.
Comme souvent, l’animal est d’abord adopté pour résoudre un problème, mais il devient rapidement une mascotte, quasi indissociable de la brasserie ou de la distillerie. Nombreuses sont celles qui ont des chats, en font du contenu et même des bières !
Billy Biscuits chez Fonta Flora, Gasket chez Bronx Brewery, Towser the Mouser chez Glenturret, ou encore Hank chez De Poes… Autant de chats immortalisés en bière ou sur les réseaux sociaux, devenus des membres à part entière de brasseries à taille humaine. Ils reflètent parfaitement l’éthique de l’artisanat : l’authenticité, la tradition, la communauté, mais aussi la durabilité et la narration.
Au final, on dit souvent que l’on vit chez son chat. Et si les véritables propriétaires de ces brasseries, c’étaient les chats eux-mêmes ? Et s’ils dominaient réellement le monde ?
Mystère…
N’achetez pas, adoptez !
Au delà même de cet article, je voudrais par la même occasion alerter sur le fait d’adopter de manière responsable vos animaux quels qu’ils soient. Tout d’abord, évitez de payer des fortunes pour un chat de « race », vous alimentez un business où les chats sont des machines à pondre et surtout quel intérêt de prendre un chat pour le « prestige » de sa race ? On devrait adopter un animal pour l’aimer et lui donner une belle vie, pas pour en faire un espèce de faire valoir.
Les refuges croulent sous les chats des rues, les abandons, les soins, les vétérinaires sont débordés etc. Il y a des milliers d’animaux qui attendent une famille, qui croupissent dans des refuges ou vagabondent dans la rue avec une chance de survie de seulement quelques années.
Je ne vous recommanderais jamais assez de penser au slogan « adopt, don’t shop! », on fait déjà assez de mal aux animaux en général de par nos modes de consommation, essayons au mieux d’agir correctement quand cela est possible et surtout facile !
De nombreuses associations comme la SPA, 30 millions d’amis ou surtout des associations locales existent tout autour de vous et ont souvent besoin de dons en tout genre, alors aidez-les du mieux possible !
Pour conclure cet article, quoi de mieux que vous proposer une galerie de photo de mes chats avec des bières… après tout je fais ce que je veux !
A toi ma petite Ethno, partie le 16 septembre 2024, on ne t’oublie pas et on t’aime pour toujours…

Sources
- Meet the many feline workers of NYC’s breweries – Time Out, https://www.timeout.com/newyork/news/meet-the-many-feline-workers-of-nycs-breweries-060923
- CatsOnTap Map is Your Ultimate Guide to Every Brewery Cat in the Country | VinePair,https://vinepair.com/booze-news/catsontap-map-brewery-cats/
- The Woman Who Created the #BeerCats Meme Is a Cancer Biologist | VinePair, https://vinepair.com/articles/cats-on-tap-interview-biologist/
- The Secret History Of Distillery Cats – VinePair, https://vinepair.com/articles/history-jameson-distillery-cats/
- For These Felines, Breweries Make the Purrfect Home – VinePair, https://vinepair.com/articles/brewery-cats/
- Cats on tap: Meet the New York brewery cats living their best lives – The Independenthttps://www.independent.co.uk/travel/north-america/usa/cats-new-york-breweries-beer-bars-b2382111.html
- Why You Always See Cats At Breweries – The Takeouthttps://www.thetakeout.com/why-you-always-see-cats-at-breweries-and-wineries-1849540295/
- Brewery Adopts 4 Feral Cats, They Return the Favor by Keeping Rodents at Bay, https://www.lovemeow.com/brewery-adopts-4-feral-cats-to-help-them-1838776314.html
- Empirical Brewery’s Cats are Never Away, so No Mice Play – Rescue in Style, https://rescueinstyle.com/empirical-brewerys-cats-are-never-away-so-no-mice-play/
- Cats in Your Brewery? Watch Out For an FDA Audit – Union Jack Tools, https://www.unionjacktools.com/blog/cats-in-your-brewery-watch-out-for-an-fda-audit/
- « Beer Yeasts Are Like Dogs, » Wine Yeasts Are Like Cats, Study Says – VinePair, https://vinepair.com/booze-news/cat-dog-beer-wine-yeast/
- “Pairing cats and Craft Beers”, Cats of Cape Town https://catsofcapetown.com/2025/06/17/pairing-cats-and-craft-beer-two-of-the-best-things-the-world-has-to-offer/