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Comment le retour de Trump a secoué le monde brassicole

Le mec est pire qu’un chewing gum collé à la semelle, impossible de s’en débarrasser, il revient encore, je parle bien sûr de Donald Trump, le bonhomme orange comme le tupperware de ton plat à lasagnes. Ce type nous fascine autant qu’il nous désespère à chaque apparition. 

Il faut dire que les choses étaient prévisibles, malgré un premier mandat et une tentative de putsch raté, Biden est arrivé à la maison Blanche mais n’a pas beaucoup brillé si ce n’est dans les centaines de memes sur Internet illustrant à la fois son côté malaisant avec les enfants ou sa fatigue à la limite de la sénilité parfois. Il n’en fallait pas plus pour gargariser les pro-MAGA contre une Kamala Harris arrivée trop tardivement dans la campagne présidentielle. Le blondinet orange s’est rapidement vu reprendre le bureau ovale. 

A son retour à Washington, Trump a renforcé sa politique protectionniste initiée au premier mandat alors largement allégée par Biden à sa succession. Un protectionnisme musclé et culotté qui a eu un sacré lot de conséquences sur l’économie mondiale, dont la bière, sujet de ce site bien entendu. 

 

 

Make American Beer great again? 

Tariffs, ce mot vous est devenu familier si vous avez lu l’actualité, il s’agit des tarifs de droits de douane imposés par Trump à l’import. Le but ? Protéger l’économie US, renforcer la production locale et éliminer au maximum la dépendance face à des pays comme la Chine ou l’Inde entre autres. D’un point de vue stratégique, ça peut se comprendre, l’externalisation de la main d’oeuvre a rendu les pays dépendants de puissantes nouvelles économies et lorsque le COVID a fait son entrée dans la partie, les industriels ont très vite vus que mettre tout ses oeufs dans le même panier était très risqué. 

Des mesures protectionnistes, sur le principe, c’est compréhensible, c’est même courant, ce qui l’est moins c’est le côté rentre-dedans de l’ami Donald qui envoie des taux de douane mirobolants à tout le monde et joue les caïds, pensant encore que les USA sont un pays dont on ne peut se passer de nos jours. 

Et pour la bière alors ? Et bien les répercussions ne se sont pas faites attendre ! Pour notre secteur d’activité, les taux de douanes sur l’aluminium, l’acier, ou certaines matières premières ont considérablement augmenté pour les brasseries Yankees. Brasseries indépendantes ou gros industriels tout le monde a été touché par l’augmentation des taux, déjà que comme partout, le secteur avait subi de plein fouet certaines augmentations comme le verre ou le carton, Trump n’a fait que enfoncer le clou du cercueil dans lequel beaucoup de brasseries ont commencé à poser le pied. 

Prenons l’aluminium : le précieux métal des canettes, représentant près de 75% des ventes là-bas. Le taux a grimpé de 10% à 25%, une catastrophe quand on sait qu’aux USA, la canette est le conditionnement favori des consommateurs. 

Pour l’acier, élément indispensable pour les fûts, même rengaine, un taux qui passe à 25% sachant que ce sont principalement les Allemands qui exportent les fûts vers le pays de l’oncle Sam. De quoi donner des sueurs froides…. 

Enfin, les matières premières ne sont pas en reste, l’orge canadienne est très prisée pour sa qualité, et le taux a lui aussi atteint 25%, poussant des brasseries à changer de crèmerie à contre coeur, et au détriment de la qualité, sachant que les brasseries crafts américaines sont très vigilantes à ce que leurs bières soient de très bonne facture. Pour le houblon, avec la vallée de Yakima et d’autres zones bien desservies, celui-ci a pu rester abordable et accessible sans difficultés, à l’inverse des brasseries étrangères dépendantes de houblons brevetés US qui ont dû s’adapter. 

Enfin, pour tout ce qui est importation directe de bière, inutile de croire au miracle, la canette prend aussi sa dose de 25% et le pire, c’est que ce n’est pas le liquide qui est taxé mais le contenant lui-même ! Donc vide ou pleine, la canette vous coûte aussi cher là bas! 

 

 

La gueule de bois américaine

On revoit encore les Américains crier victoire face à ce protectionnisme virulent, mais les prix des denrées alimentaires ont vite fait de les calmer, et pour cause, leur portefeuille a été touché salement et l’incompréhension s’est rapidement fait sentir. Bien sûr, je rappelle ici, qu’un électeur de Trump est rarement un couteau bien aiguisé dans son tiroir, c’est mon blog, je dis ce que je veux après tout ! 

Pour nos confrères brasseurs et brasseuses américains, c’est une vraie douche froide. Les exportations ont chuté car de nombreux pays ont contre-attaqué à leur tour avec des taux de douane abracadabrantesques ou carrément des refus de transactions commerciales. 

Au niveau opérationnel, tout a eu un effet domino, comment supporter de tels coûts sans pour autant les répercuter au consommateur qu’on risque de perdre? Rappelons que la bière artisanale est un produit plus cher que l’industriel, et que même si tout le monde est touché, les industriels resteront toujours les plus attractifs via leurs économies d’échelles historiquement bien ancrées dans leur production. 

Les brasseries ont dû chercher des solutions, certaines ont par exemple privilégié la bouteille en verre, mais les plus grosses brasseries ont mangé tout le stock, créant une pénurie et une hausse tarifaire des bouteilles en verre…. Ah la boulette !

Certaines, un peu plus réactives, ont importé à toute vitesse des canettes pour les stocker avant l’application des taux, c’est le cas de Fat Head’s qui a récupéré près de 3 millions de canettes en anticipation. D’autres ont ajusté leurs gammes par le biais d’une réduction de celles-ci quand d’autres ont carrément revu leurs recettes pour améliorer le coût de production, avec forcément un impact sur la qualité voulue initialement. 

Malgré tout, les conséquences sont terribles, les marges ont fondu car pour beaucoup, passer une pinte de 8 à 12$ est un pari extrêmement risqué. Déjà en France, en dehors d’un tel contexte, quand on voit débarquer une chaîne de bars qui propose des pintes à plus de 10€ vous pouvez être sûrs que les gens vont râler et que les prix vont être ajustés (coucou VnB Marseille!). Pour revenir à nos brasseries US, il a fallu absorber le coût, mettant donc en péril les brasseries et il est à prévoir certaines fermetures si la guerre commerciale de Trump persiste. 

 

 

Oeil pour oeil ….

Cela va sans dire, aucun pays ne s’est laissé faire. Trump est apparu encore pire qu’avant dans son personnage oscillant entre stupidité et impulsivité, rien que sa manière de traiter Wolinski à la maison Blanche suffit à voir que le milliardaire à la meche folle a envie d’en découdre salement avec tout le monde, développant presque une paranoïa ambiante qui le pousse à mettre en péril sa propre économie. 

Les pays touchés par les taux de frets ont rapidement riposté, le Canada a mis les mêmes droits de douane que ses voisins et un élan patriotique a poussé les canadiens à ne plus prendre de produits US, alors que l’export de bières US au Canada représente près de 38% du volume d’export des brasseries là bas. Les canadiens ont rapidement remplacé les produits US par des produits 100% Canada, créant une atmosphère digne du film de South Park. 

Sur le vieux continent, ce n’est pas mieux, sachant que pour les américains, les exportations de bières vers l’Europe sont leur second marché d’exportation, en retour, les européens ont joué la loi du talion en taxant à son tour les américains, menaçant même d’un tarif de 50% pour le célèbre bourbon américain. 

Côté Chine, le vin américain s’est mangé un taux de 93% cumulé quand les whiskies ont pris 30%. La riposte chinoise a été si violente qu’une trêve de 90 jours a été mise en place pour limiter la casse… je rappelle que s’attaquer à la Chine, même quand on est américain, c’est comme si un Chihuahua essayait de se battre avec un Doberman…. 

Enfin, l’ennemi juré des américains, enfin de Trump surtout, les mexicains, ont également appliqué des taux prohibitifs pour riposter face à la “tariff mania” du milliardaire. 

Outre ces conséquences, un véritable sentiment antiaméricain a émergé un peu partout dans le monde. Évidemment, les américains n’ont jamais été très appréciés depuis quelques décennies, mais depuis le premier mandat de Trump les animosités à l’égard des américains ont vite fait de se renforcer.  

 

 

Impact mondial 

Souvenez-vous ce même avec cette petite fille regardant la caméra en souriant tandis qu’en arrière plan, on voit un peu flouté, une maison en flammes, et bien vous avez la réaction de Trump, tout du moins celle qu’on imagine. 

AB Inbev et Heineken restent optimistes dans leurs prévisions mais vont tenter d’investir localement pour parer à toute éventualité, Diageo (Guinness) en revanche a établi un programme de réduction des coûts de l’ordre de 500 Millions sur 3 ans, même les plus énormes sont impactés, imaginez les plus petits ! 

D’après une étude du CEPR, les frasques de Trump pourraient avoir un impact de l’ordre de 33% de réduction du commerce mondial de la bière s’il persiste et signe dans ses démarches protectionnistes et paranoïaques. Si l’on connait un peu l’économie, on sait que quand votre pays fait ce genre de choses, l’impact va souvent aller sur le consommateur final, et surtout celui du pays qui ouvre les hostilités justement. Les Américains, tout du moins ceux qui ont un esprit lucide, ont prédit une baisse du PIB de l’ordre de 0,7%, des exportations en chute libre de 12,6% et une hausse des canettes avoisinant 14%, de quoi faire tiquer les brasseries américaines. 

Rapidement, le milieu s’est alerté sur ces politiques puériles de guerres commerciales, de nombreuses associations américaines comme Brewers Association ou Beer Institute ont largement condamné ces pratiques, de même que les Brewers of Europe se sont inquiétés de cette tension commerciale mondiale. 

 

 

Good job Donald ! 

Le bilan est relativement lourd, les politiques de l’ami Trump ont semé le trouble dans le milieu brassicole : augmentation des coûts, appros chamboulés, rentabilité en chute libre et des flux commerciaux redessinés, les brasseurs américains ont pris une sacré claque et inutile de dire que cela ne sonne que le début de l’aventure Trumpienne pour eux, tant le président fraîchement élu fourmille d’idées pour rendre soit disant l’amérique meilleure. 

Alors évidemment, il y a eu certaines pauses tarifaires et des accords, mais la maison blanche est si imprévisible que les brasseries peinent à anticiper quoique ce soit et c’est bien là tout le problème. Même son de cloche pour ceux qui exportent vers les USA, impossible de savoir comment vont se dérouler les prochaines expéditions. 

Pour ceux qui utilisent des houblons US il va peut être falloir changer de crèmerie, l’occasion de rappeler que l’Europe et notamment la France ont de fantastiques houblonnières. En ce qui concerne les amateurs de bières US, il va falloir se montrer patients car l’afflux de crafts originaux s’estompe de plus en plus, et bien avant que Trump entre dans la partie ! En effet, les américains ont toujours eu du mal à s’adapter à la culture européenne sur les paiements (les fameux 30 jours) et trouver de distributeurs fiables, notamment en France, sans compter que la qualité frenchie a fait de considérables progrès et certaines brasseries n’ont pas à rougir face à leurs camarades outre-Atlantique ! Je tiens ces propos d’un des membres de la American Brewers Association directement, je ne peux pas mieux vous sourcer ce compte rendu. 

Quoiqu’il en soit, le marché brassicole américain se retrouve en eaux troubles, tandis que les brasseries des autres pays doivent elle aussi s’adapter pour leurs exports ou l’import de matières premières, une sacré pagaille que même l’administration Trump semble ne pas maîtriser, mais ce genre de choses on ne s’en étonne guère quand on voit avec quelle vitesse le pays s’enfonce dans un fabuleux moonwalk historique en termes de droits humains et d’économie…. Et si vous voulez un excellent documentaire, matez Idiocracy, vous m’en direz des nouvelles. 

 

Greg
Marseillais amateur de bières, je vais vous faire découvrir cette boisson à travers son histoire, des dossiers, de l'actu et enfin des tests de bières diverses et variées!

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