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C’est quoi la différence entre une bonne brasserie et une mauvaise?

En voilà une drôle de question! Et autant vous spoiler directement, il n’y a pas de réelles bonnes réponses. Cependant avec plus de 2000 brasseries en France, et sans compter les brasseries étrangères, c’est plusieurs milliers de bières disponibles à la dégustation qui côtoient le paysage de nos cavistes bières chaque année. 

Cependant on voit souvent ressurgir divers débats dans la communauté brassicole, la question de la bonne brasserie, laquelle est la vraie? Qui a la bonne réponse? Ou bien, y a-t-il réellement une bonne réponse? 

Je vous propose à travers cet article une sorte de réflexion sur le sujet, qui reflète mon avis, mais aussi un constat fait depuis toutes ces années à côtoyer la “bierosphère” sous divers aspects. 

 

Qu’est-ce qu’une bonne brasserie indépendante?

J’utilise le terme “indépendante” car c’est pour moi la vraie définition du craft. Une brasserie peut rester sur un côté non industriel tout en étant intimement liée à une grosse industrie. On le voit avec par exemple Gallia qui garde sa ligne de conduite initiale en termes de recettes éphémères mais qui, suite à son rachat, profite de son avantage financier acquis pour se développer à grande échelle, à voir où cela mènera à moyen terme. Ici, pour Gallia, on perd donc un statut d’indépendance certain, la brasserie en elle même reste moins grande que d’autres grosses structures indépendantes (Ex : Meteor), mais elle sort de son cadre initial pour jouer dans la cour des “grands”, en terme de taille et de finances. 

Alors si on reste sur l’indépendance, qu’est ce qui fait qu’une brasserie est jugée correcte ou pas? Sous quel modèle? La question n’est pas évidente au final, car on a affaire à de nombreux argumentaires venant de profils geeks, snobs, élitistes ou à l’opposé de néophytes ou consommateurs occasionnels qui n’ont pas du tout la même définition de la chose. 

La vraie bonne brasserie indépendante, à mes yeux, est surtout celle qui a derrière elle des passionnés soucieux de faire un bon produit correspondant à l’éthique qu’on attend d’elle. Pour aller plus loin, une brasserie dont les membres sont passionnés sera plus encline à adopter des modèles permettant à tout à chacun d’apprécier leurs produits sans que d’autres se sentent exclus ou rabaissés. Entendons bien là que les brasseries qui utilisent des étiquettes scabreuses, des jeux de mots trop lourds, ou qui privilégient le marketing d’une étiquette ou un nom à la qualité d’un produit sont, à mes yeux, de mauvaises brasseries. 

Il faut avant tout des passionnées car c’est eux qui vont donner l’âme de la brasserie, et lui insuffler son succès. Maintenant, une brasserie peut aussi être fondée ou possédée par des personnes non passionnées, mais qui s’entourent de passionnés. Là encore ce n’est pas forcément une mauvaise brasserie si derrière on laisse carte blanche à l’équipe en place car chacun joue dans le terrain qu’il connaît. 

Si vous possédez une brasserie sans y être passionné, mais que vous y voyez là une source de revenus non négligeable, quitte à être en dehors du “game” autant vous entourer de personnes qui, si vous les motivez suffisamment, sauront vous apporter l’âme que vous n’avez pas car vous n’avez pas la passion de la bière. Par exemple ici, je vise des brasseries fondées par des startuppeurs d’écoles de commerces (pour caricaturer grossièrement le trait bien entendu), qui ont vu une vague sur laquelle surfer mais qui ont pris une équipe passionnée et motivée. Pour reprendre le cas Gallia, Rémi et son équipe sont pour moi l’âme de la brasserie de par leur créativité et leur envie de faire de belles choses, même si la brasserie sort du cercle des indépendants désormais. 

Si vous n’avez pas d’âme de passionné et que la bière produite est un support marketing, et qu’en plus vous ne motivez pas vos troupes, alors vous ne serez rien d’autre qu’un nom sur une étiquette. Ce modèle est à proscrire car en jouant sur ce terrain là, vous risquez de voir un turnover récurrent, et une équipe qui sent que son savoir-faire est mis en arrière plan au détriment de l’alimentation marketing d’un nom. C’est pour cela qu’il faut que les brasseurs officiant chez vous puissent se sentir bien, car un brasseur (ou brasseuse bien sur!) ca reste un être relativement frileux s’il ne peut pas s’épanouir et évoluer avec un bon matériel, il ira forcément ailleurs ou se lancer seul au bout d’un moment. 

Il ne faut pas négliger le brasseur, c’est par lui que la magie opère, c’est lui qui dispose de la créativité, de l’idée maîtresse du produit, et comme un chef de cuisine ou d’orchestre, s’il n’évolue pas dans un environnement qui lui plaît, il ira vite là où on appréciera son savoir faire à sa juste valeur. 

Alors du coup une bonne brasserie indépendante c’est quoi? Et bien, même s’il y a moultes réponses et arguments, de mon point de vue, c’est une structure dans laquelle évoluent des passionnés, qu’ils soient employés ou gérants. Si déjà, au sein de votre unité, vous avez une passion, alors votre établissement aura son âme, et le marketing qui permettra de vendre, localement ou plus, se fera assez facilement auprès du public visé. 

On a un tas de business models de brasseries, aucun n’est le bon, ils sont tous différents. Vous avez les petites brasseries qui se lancent à plusieurs avec des passionnés, dans un local trop petit mais qui visent à grandir rapidement. Vous avez les plus grosses structures où un groupe de passionnés ont la possibilité d’investir beaucoup et de commencer sur une base très confortable. Vous avez les brasseries créées sur un modèle purement financier mais qui s’entourent d’une bonne équipe et d’un bon matériel tandis que les créateurs s’occupent de l’aspect administratif et financier, laissant libre court à l’imagination de leurs brasseurs et brasseries. Et puis vous avez aussi ceux qui se lancent seuls, ceux qui partent sur du gypsy, ceux qui ne font ça qu’en seconde activité en pico ou nano pour avoir un second revenu issu de leur passion, et j’en oublie sûrement. 

Chaque brasserie a une histoire, chaque brasseur ou brasseuse a une histoire différente. Bien sûr, de nos jours il y a beaucoup de formations qui se mettent en place, ce qui atténue un peu le nombre d’autodidactes, mais majoritairement, les gens qui se lancent sont des amateurs qui ont appris sur le terrain après un tas de péripéties de brassage, et qui apprennent encore après leur lancement. 

Donc au final, qu’est ce qu’une bonne brasserie? Difficile à dire, mais c’est sans nul doute une brasserie qui a simplement une âme, et qui est éclairée par celle-ci tout bêtement. Si vous créez juste une brasserie dans le but de surfer sur la vague, faire du classique sans risque, et vous entourer d’un personnel qui ne fera jamais rien d’autre que la même gamme au quotidien, alors vous pourrez avoir les meilleurs commerciaux du monde, vous n’arriverez jamais à percer comme d’autres. 

 

Source : Pixabay / Flickr / Pexels

 

Faut-il être classique ou bien geek?

Là encore, c’est un débat qui fait rage, et qui m’amuse quelque peu. Je constate 3 modèles différents :

  • Les brasseries qui ne font que du geek (éphémères tout le temps ou non)
  • Les brasseries qui ne font que du classique
  • Les brasseries qui vont faire les deux (selon plusieurs stratégies)

Il faut déjà comprendre une chose, ce n’est pas parce qu’une bière est “craft” qu’elle est forcément bonne. On peut être indépendant et faire un produit mauvais, être industriel et faire un produit correct en sortie d’usine (ouh le gros mot). 

 

Commençons par les brasseries “geeks”

On ne doit pas non plus se fier à des sites de notation comme Untappd (vous connaissez mon amour pour l’application désormais), car elle ne reflète aucunement le paysage brassicole existant, pour un tas de raisons que j’explique dans mon article. Il faut comprendre en gros, qu’une brasserie geek aura des notes entre 3.5 et 5, et une brasserie classique, aura de mauvaises notes car l’application est pour les geeks et les snobs, mais pas pour les consommateurs lambdas. Les profils d’utilisateurs français sur les applications sont souvent des geeks plutôt que des consommateurs lambdas. 

Une brasserie, elle aura beau avoir toute l’âme qu’il faut, si elle fait des mauvais produits, elle ne vendra pas. Pire encore, si elle ne respecte pas une sorte de crédo, elle perdra ses consommateurs. Soit on vise les geeks, à travers un type de recette et on s’oriente vers un marketing très appuyé pour réussir à convaincre, soit on vise un peu tout le monde. L’un dans l’autre, peu de brasseries parviennent à tirer leur épingle du jeu en termes de recettes orientées geeks à 100%. Citons des brasseries comme Prizm qui assurent à merveille sur ce terrain là, mais parce qu’elles ont aussi derrière une expérience liée aux gens en coulisse qui officient avec succès comme distributeurs et chaînes de bar /restaurant sur le thème du craft. Dans le cas de Prizm, l’équipe s’est lancée intelligemment sur ce créneau et le succès a très vite été au rendez-vous. Nul doute que sans l’expérience en amont de ses fondateurs et la notoriété gagnée au fil des années dans la communauté, le pari aurait été extrêmement risqué car malheureusement, avec + de 2000 brasseries, peu auront la capacité de ne vivre qu’avec un public orienté geek. Le ratio est en général à l’inverse : une communauté de consommateurs classiques et quelques geeks, mais rarement l’inverse. Pour faire simple, je donne l’exemple de Prizm, mais il suffit de voir les top 5 des brasseries de Untappd, ou même suivre les forums, les podcasts, ou les tournois Instagram comme celui du copain Alex de Sirotons le houblon pour voir que les brasseries citées sont souvent celles qui évoluent dans un cercle très restreint de brasseries ayant un public de passionnés, qu’ils soient geeks ou snobs (les snobs étant ceux qui jouent un peu un élitisme très agaçant de mon point de vue). 

 

Un exemple de bière Prizm et son marketing très bien travaillé

 

On trouve un tas de bonnes brasseries geeks, j’ai parlé de Prizm mais on peut citer 90bpm, Noiseless, Pophin, Hoppy Road et bien d’autres. Toutes ces brasseries maîtrisent leurs idées et leurs recettes, bien qu’il puisse y avoir quelques hop burn qui trainent parfois (mais c’est un peu le jeu aussi), on est sur des recettes très créatives et équilibrées, faisant le bonheur de gens comme moi qui adorent découvrir et se surprendre, encore faut-il avoir un peu d’expérience de dégustation, et c’est pour cela qu’il faut aussi du classique, surtout pour commencer! 

 

Source : Pixabay / Flickr / Pexels

 

Alors quid d’une brasserie très classique? 

J’entends souvent des critiques de brasseries qui vont dans un certain classicisme, sans pour autant connaître l’histoire derrière celles-ci. Et bien tenez-vous bien, moi je les aime ces brasseries là, autant que j’aime celles qui ne font que du geek au final. Je vois mal une personne passer d’une Heineken à une grosse bombe houblonnée de Prizm ou une Gose à la poire/vanille de Hoppy road sans grimacer et croire qu’on lui sert une bière qui a tourné. Il faut du classique pour pouvoir débuter son apprentissage et/ou sa découverte. En cela on a des brasseries artisanales qui ne se sont positionnées que sur le classique. Leur public? Les néophytes qui ne connaissent que les industriels et rien d’autre. Ils vous le disent eux-mêmes, Untappd ils s’en fichent, les geeks aussi, ils veulent un produit stable, classique, qui attire un public large. C’est quelque chose de logique au final, comme je vous le disais, les geeks ne peuvent pas être le poumon qui fera vivre la bierosphere en entier, le grand public en revanche peut faire vivre relativement tout le monde, laissant le marché de niche du geek dans son coin et fonctionner bien tranquillement à l’abri des regards. 

C’est aussi en cela que parfois mes poils se hérissent quand j’entends des gens dénigrer une brasserie car elle fait des recettes classiques, ou bien parce qu’elle vend en supermarchés quasi uniquement, ou qu’elle a une partie de sa gamme pour les GMS. On tend vers des extrémistes, mais dont l’avis est à mon sens biaisé par un certain aveuglement du paysage brassicole qui les entoure, ne voyant et ne jurant que par celui qu’ils veulent connaître et côtoyer. Après, si on fait du classique, il faut que cela soit bon, et que cela dénote quelque peu de l’industriel. Ça ne sert à rien de faire du classique si on a exactement le goût d’une Heineken, ou d’une bière à façon type Cagole, si en plus, vous vendez plus cher, votre business model sera incohérent et vous ne trouverez pas de clientèle. Il faut donc du classique mais du bon, et ça peut passer par une robe un peu trouble, un peu de dépôt (mais pas trop) et une belle mousse persistante et crémeuse. Tout dépend de vos choix en tant que fabricant, mais une brasserie qui fait du classique, et du bon, a autant de valeur qu’une brasserie geek. 

 

La gamme classique de la Bas Varoise (83)

 

Amener un public industrialisé à une bière artisanale via une bière classique est un bon tremplin pour susciter des vocations de découvertes simples ou même devenir brasseur amateur. Il faut comprendre en cela que l’on va plus facilement se diriger, en tant que néophyte, vers un produit local qui nous est familier, qu’un nom qui n’évoque rien même si l’étiquette est jolie. Un néophyte ne comprendra pas le terme Pastry Sour, il comprendra en revanche le terme ambrée. 

Certains appellent cela brasser des couleurs. La codification par couleur est certes erronée sur le principe, mais elle sert de point de repère aux nouveaux consommateurs qui souhaitent se lancer sans risque dans un produit local, artisanal, et surtout plus cher que l’industriel, car, un acheteur en voudra pour son argent c’est bien connu. 

Là où je vis, à Marseille, on a autour de nous des brasseries qui ont fait le choix de rester classique : la B.A.P à Rousset près de Aix en Provence par exemple, est dans le classique, avec une ou deux petites éphémères saisonnières (Bière de Noël par exemple). Sa gamme se vend en supermarchés, très peu en cave, et les bières un peu spéciales sont réservées à la taproom pour les plus fidèles (et les spéciales sont d’ailleurs en très petits volumes). Je reviendrais vers la B.A.P au travers d’un article complet, mais c’est un bel exemple de brasserie qui a choisi le classique et qui marche. 

 

La gamme de la B.A.P

 

Citons aussi Aixpression, qui reste classique, mais très bon, avec une influence notable du milieu du vin de par son histoire : une famille œuvrant dans le domaine viticole dont le fils et la mère se sont lancés dans la bière. On est sur une gamme classique, stable et qui a su trouver son public. Là encore, je vous en parlerais au détour d’un article spécial. 

 

La gamme Aixpression

 

Enfin, citons une dernière brasserie en exemple dont je vous parlerais en détail car elle m’a récemment accueilli pour une visite (et ils sont adorables), la brasserie Carteron qui fabrique la Trop’ du côté de Hyères dans le Var (83). Ici aussi, son fondateur, Thomas, vient du vin et reste dans un domaine de recettes assez classiques mais d’une stabilité sans faille dans son produit final, insufflant ainsi le succès auprès de sa clientèle qui cherche un produit “tranquille” et qui est souvent habituée au vin justement. 

Vous l’aurez compris, une brasserie qui fait uniquement dans le classicisme, est aussi une bonne brasserie, elle permet aussi justement à amener le consommateur classique vers du craft. 

 

Source : Pixabay / Flickr / Pexels

 

Jouer sur les deux profils de consommation

On en avait parlé sur un précédent article, on a donc les brasseries qui jouent sur les deux aspects : le classique (avec souvent une gamme orientée GMS), et le geek avec des brassins éphémères un peu plus recherchés (et il y a une dernière variante que je vais évoquer en toute fin). 

Ici on est donc sur des brasseries qui ont fait le choix de capter l’attention de tout le public, le néophyte qui n’y connait rien encore et trouvera une gamme de “couleurs” et quelques bières un peu plus originales (une bière au miel ou par exemple à la violette, mais toujours sur un seul ingrédient connu et une douceur en bouche pour ne pas choquer celui qui boira). Et le public plus geek qui a envie d’être surpris avec des saveurs et des styles toujours plus originaux.

Beaucoup de brasseries suivent ce modèle, certes, pas toujours au début, mais elles y arrivent au bout d’un laps de temps assez court si les échos sont bons au sujet des appréciations du public. C’est à mon sens une méthode efficace et peu risquée au final : vous engagez plus de volume sur le classique, et moins sur l’éphémère. C’est à la fois un moyen de créer une étude de marché en sous-marin, et un moyen de s’amuser à développer sa créativité par la même occasion. 

En fait, c’est un peu comme les sorties spéciales des fast food quand on y regarde de plus près. On va vous sortir un Burger avec tel ou tel fromage, une viande précise, une sauce, et ils vont voir le succès que ca engendre. Le fameux Big Tasty qu’on retrouve partout en France dans les Mcdonald’s n’est rien de plus que le fameux Mc Wanted qui était sorti à plusieurs reprises dans les années 90 et qui est finalement resté dans la gamme permanente mais sous un autre nom. 

On retrouve ce modèle là dans les brasseries, certaines bières éphémères ont tellement été appréciées que le public les a acceptées comme une référence permanente. Prenons l’exemple, toujours chez moi à Marseille de Minotte qui a débuté dans le classique et qui a sorti ensuite des bières différentes comme la Ginger Haack, la Yeast and the beast et ces bières-ci sont désormais en permanence produites car le public les a adorées. Ça n’empêche pas la brasserie de faire des séries plus geeks (bien qu’elles restent tout de même assez soft pour attirer un public large et souvent jeune), créées par l’équipe qui a carte blanche pour créer des recettes. On en revient à ce que je vous disais au début, si vous n’êtes pas un passionné en tant que propriétaire : laissez vos brasseurs faire joujou avec le matos, ils vous le rendront bien (Ici Minotte a été reprise il y a quelques années par une holding familiale locale de passionnés qui adore la bière mais n’évolue pas dans le milieu à la base). 

 

Un exemple de la fonte graphique Minotte très colorée et très jeune

 

On peut aussi, si son nom devient un peu plus connu, se permettre de changer un peu son identité, c’est le cas, dans la région PACA toujours (c’est là où je vis et donc là où j’ai le plus d’exemples concrets), de la brasserie Sulauze qui a commencé avec des étiquettes sobres et simples, avec quelques éphémères, pour finir par les intégrer dans sa gamme permanente et enfin changer les visuels et les noms de ses bières pour se donner une image plus “funky”. Le modèle initié par Guillaume et son équipe c’est en gros d’appeler sa bière blonde avec un nom et un visuel qui attire le regard, et mettre en dessous la nature de la bière : la Pale Ale s’appelle désormais “Fucking Regalade” alors qu’à ses débuts c’était juste estampillé du logo et de “Blonde” en gros et en gras. Le but ici est de garder le classique en le rendant plus fun, ne laissant le style qu’en second plan.

 

L’ancienne gamme Sulauze très classique

 

La stratégie paye car Sulauze a su gagner en notoriété auprès du public local, mais aussi national en allant souvent en déplacement dans divers salons pour se montrer et ainsi se donner une image de marque très positive aussi bien chez le grand public que chez les amateurs de bières endurcis. De la même façon, Minotte a revu ses visuels sur sa gamme classique pour attirer l’oeil d’un public plus jeune (qui est la cible principale désormais), mais par contre, à l’instar de Sulauze, est restée sur une certaine sobriété dans les noms en restant sur le style simplement (blonde, ambrée, IPA etc…), là encore c’est une question de stratégie au sein de l’équipe tout simplement. 

 

La nouvelle gamme Sulauze, beaucoup plus « funky »

 

Vous l’aurez compris, une brasserie peut donc jouer sur les deux aspects, à travers un équilibre de sa gamme aussi bien en quantité qu’en qualité (toujours assurer ses volumes sur le classique, surtout si on vend en GMS), et aussi proposer des recettes plus originales de façon éphémères et pouvoir ainsi s’amuser avec des nouvelles choses tout en créant une sorte de panel test, qui, comme avec Sulauze et Minotte, pourra, selon l’accueil, élargir la gamme permanente de la brasserie si l’accueil est bon. 

 

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Et si on vise deux publics sous deux noms?

Dernier exemple, et on revient vers eux, Sulauze qui a lancé tout récemment la marque Mystic Bird pour faire des bières en canettes totalement orientées geek, tout du moins des recettes énervées avec un nom anglophone sans nul doute destiné à de l’exportation future. Ici encore, une stratégie assez intelligente qui vise à aller plus loin encore dans ses recettes sans affecter sa marque principale et donc désorienter son public de base. D’ailleurs, il faut connaître assez bien le milieu local pour savoir qui se cache derrière Mystic Bird.  

Là aussi, on va donc possiblement découvrir une bière qui sera appréciée par les plus geeks, jugée comme excellente et ceux qui ne connaissent pas Sulauze pourraient dire que Sulauze c’est pas génial car classique : alors que c’est la même brasserie derrière !

Moralité, une brasserie peut en cacher une autre. Mais c’est là qu’on en vient à l’éternel débat : qu’est ce qu’une bonne bière ou une bonne brasserie artisanale? Je vous dirai finalement, après tout ces arguments, qu’il en faut pour tous les goûts et qu’aucune réponse n’est vraiment bonne. 

 

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Une affaire de goûts

Juger qu’une brasserie est bonne ou mauvaise c’est périlleux. Il est compliqué d’émettre un jugement selon comment on se positionne en tant que consommateur. Un néophyte qui goûte des IPA très houblonnées comme le font Prizm, Pophin ou Mystic Bird va trouver ça hyper agressif, ou dans un autre registre, des bières acide de chez Ammonite et Cantillon, va vous faire croire que la bière est bouchonnée. De son côté, le geek lui, dira que les bières d’une brasserie très classique comme Bas-Varoise, Carteron, B.A.P ou Meteor est insipide. Pourtant, c’est notre profil de consommateur qui oriente notre avis, et rien d’autre. De même que l’avis sera biaisé par plusieurs facteurs : la notoriété, son propre profil de consommation, son avis personnel sur la taille de la brasserie, sa position dans le craft etc…. On voit certains geeks adorer Gallia encore aujourd’hui malgré leur rachat par Heineken et ne pas oser le dire, par peur d’être mal vu, alors qu’il n’y a aucun mal à apprécier la brasserie et ses bières sans le faire passer pour un vulgaire plaisir coupable (bien qu’on sorte ici du cadre de l’indépendance). Dans un autre registre, on voit des gens adorer le classicisme d’une gamme comme celle de la B.A.P et reprocher un côté trop “foufou” à des brasseries comme La Débauche. 

Tout est une question de goût et de profil, c’est le même principe que son avis sur une recette, tout dépend de son contexte à soi. C’est en cela que les sites de notations ne constituent nullement une base de données fiables pour se faire un avis sur une brasserie si on fait partie du grand public, et pas non plus si on est geeks car comme je l’ai dit dans l’article dédié, les avis dépendent d’un trop grand nombre de facteurs pour constituer un cliché véritable des meilleurs brasseries du moment. 

Il y a plusieurs modèles de brasseries et plusieurs stratégies qui sont inhérentes à un lieu, une culture, une communauté, et c’est en ça qu’il est finalement puéril d’opposer sans cesse les brasseries qui ont des modèles de recettes dites “énervées” à celles qui ont des recettes “tranquilles”, c’est quelque chose d’incomparable justement car elles ne jouent pas dans la même catégorie, elles sont juste indépendantes toutes les deux et la comparaison s’arrête là. 

On ne peut juger dégueulasse une brasserie geek et sans goût celle qui est classique, on en vient à finalement créer un embourgeoisement, un élitisme qui engendre inexorablement un clivage au sein des consommateurs alors que ceux-ci pourraient au final se compléter voire, apprécier mutuellement des choses. Après tout, beaucoup de gros amateurs de bières basculent actuellement sur des modèles classiques comme les Lager ou les Pilsener, il y a un effet de mode, ou de cycle ou on souhaite quitter un peu les recettes originales pour apprécier une recette plus classique. 

Donc au final, il n’y a pas de réelles réponses…à moins que…

 

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En conclusion

De mon point de vue personnel, et cela ne tient que de mon avis bien entendu, je trouve cela dommage de créer des comparatifs qui n’auraient pas lieu d’être, et donc juger à travers des profils complètement différents, qu’une brasserie est meilleure qu’une autre. Déjà parce qu’on a chacun un mode de consommation, chacun un palais à l’historique de dégustation différent et aussi parce qu’on risque de juger sans connaître pour autant l’historique de la brasserie et sa stratégie initiale. 

On parlait de la B.A.P, près de Aix en Provence, Pierre et Bernard font du classique et du GMS, peu de caves et des éphémères quasi uniquement à la taproom, et pourtant, ils savent brasser, ils ont sillonné des brasseries partout aux USA et ailleurs et ils ont une production nickel chrome, pourtant, ils ont beau être classiques, ils ont leur public (dont je fais partie). 

Il faut aussi constater que les brasseries les plus geeks sont beaucoup de brasseries, en général, nées aux alentours de 2017-2018-2019 et avec une équipe assez jeune (moins de 40 ans en moyenne, voire moins de 30 ans parfois). Ce sont des profils assez récents, qui ont eu la chance, arrivés à 18 ans, de connaître rapidement le craft (contrairement à nous, les + de 35 ans qui n’avions très peu accès au craft à l’âge légal de consommation d’alcool). 

Les brasseries classiques sont bien souvent nées plutôt vers 2015 voire bien avant (comme les institutionnelles telles que Meteor qui ont plusieurs générations d’avance), et les fondateurs et fondatrices sont plutôt des profils plus âgés, souvent au delà de la quarantaine, donc avec des profils moins geeks et justement plus sages, plus classiques justement. Là encore, leur clientèle est souvent celle qui leur ressemble, tout comme les jeunes brasseries très geeks. 

En quelque sorte, les avis qui diffèrent sont aussi un peu un conflit générationnel, les jeunes veulent des recettes un peu dingues, les moins jeunes veulent des choses plus calmes, et puis il y a bien sûr l’entre deux, dont je fais partie au final, mais heureusement je ne suis pas le seul. 

Alors au final, si je devais tout de même apporter une réponse, je dirais comme évoqué en début d’article, qu’une bonne brasserie indépendante c’est avant tout une brasserie qui fait des bières qui vous plaisent, qui ne ment pas, qui ne fait pas preuve de sexisme ou de discrimination sur ses étiquettes ou le traitement de ses équipes, qui garde l’équilibre de la qualité et de la quantité et qui respecte ses clients. 

Quant à la question compliquée de “Qu’est ce qu’une bonne bière?” je dirais que c’est celle qui vous plait à vous, car une mauvaise bière, en principe, elle ne plait à personne et ne trouve pas son public du tout, donc pour conclure ce long billet d’humeur et de réflexion, je vous dirait de simplement cesser de vouloir toujours tout comparer, tout noter, dégustez en fonction de vos goûts et de vos envies, parlez avec les brasseurs et les brasseuses, posez-vous les bonnes questions sur les recettes de chacunes et leur stratégie, et aussi et surtout, n’oubliez pas que geek ou néophyte, la bière c’est avant tout un partage et un lubrifiant social, il ne sert à rien de diviser les consommateurs entre eux car à la fin, ca ne reste que de l’alcool, qu’il faut consommer avec modération et pour le plaisir.  

En gros, avant de juger, sachez prendre le recul nécessaire tout simplement.

 

Greg
Marseillais amateur de bières, je vais vous faire découvrir cette boisson à travers son histoire, des dossiers, de l'actu et enfin des tests de bières diverses et variées!

One Reply to “C’est quoi la différence entre une bonne brasserie et une mauvaise?

  1. Je viens de découvrir ton site et il me fascine, j’ai déjà lu beaucoup d’articles et appris beaucoup de choses. Merci et continue ! 🙂

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